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23/05/2010

berlinpinpin

traquer le lapin sur internet, on trouve ce qu'il a laissé=>Thibaut de Ruyter que j'ai découvert grace au phantome et qui me sort mon idée de theremine lo-fi...bref comme alice, je suis et je tombe dans le trou et peut-être qu'un jour je le rencontrerais....

là cé un article de.....ben je sais plus....


Thibault de Ruyter commence son travail de déconstruction en affirmant qu'il existait une vie culturelle avant la chute du mur. « Les punks existaient à l'Est, même s'ils avaient trois ans de retard par rapport à ce qui se faisait en RFA ou à Londres ! » dit-il, en citant toujours avec plaisir le groupe « Einstürzende Neubauten ».
Et puis, à partir de 1989, des centaines de milliers de mètres carrés à bas prix entraînaient une euphorie sans précédent. Cet immense espace à reconquérir attira d'abord quelques artistes et galeristes prêts à tenter le pari. Mais aujourd'hui, les galeries ouvrent et ferment aussitôt. « On vit à Berlin, mais on ne vit pas de son art, on travaille ailleurs, affirme le critique d'art en concluant, la ville ne peut pas soutenir tout le monde, si les subventions ne tombent pas, on ferme...» C'est moins l'argent qui compte que le réseau que l'on se constitue, d'où l'importance à Berlin de la scène des « artist-run space », des galeries autonomes. C'est à travers un réseau de 80 lieux autogérés, garages abandonnés, laveries automatiques, bureaux en vacance, que l'art se diffuse à toute vitesse.

« Berlin est une vitrine du trash européen »
« Au crépuscule des conventions, la brutalité est l'expression d'une certaine vérité », disait Jean-Claude Kauffman. Thibault de Ruyter, critique d'art à Berlin, est un personnage qui exprime bien l'absurdité de cet univers postmoderne.
Il nous explique comment, aujourd'hui, Berlin s'expose au monde entier sur « une surface de projection ». Par le canal d'évènements gratuits qui produisent une image d'un Berlin trash, le but est d'impressionner les acheteurs étrangers et de les pousser à « s'encanailler ». « Le charme imprécis d'une ville blessée », comme disait Boltanski, s'exporte bien.

« Les jeunes artistes sont victimes de l'effet Berlinpinpin »
Mais si Berlin produit un portrait séduisant d'elle-même, dans le miroir d'une ville pauvre et créative, les jeunes artistes y voient aussi une image déformée de la réalité. Pour eux, Berlin est un lieu où tout est possible, là où la précarité n'est plus une entrave à l'expression artistique. Malheureusement, la ville ne peut pas les soutenir, les condamnant du coup à la déréliction.
Alors qu'en France, un jeune doit inévitablement passer par la scène locale avant d'atteindre la scène nationale, à Berlin tout parait plus facile. Thibault de Ruyter ironise : « il suffirait de quitter sa province, d'aller à Berlin, de se couvrir d'un peu de poudre magique, et par un tour de prestidigitation, d'exposer sur la scène internationale ! »

02/05/2010

Maintenant que j'y reviens je me dis que j'aurais du l'acheter...bref, la dernière biennale de Lyon la Xième. Un titre pour le moins identique à mes problématiques "Le spectacle du quotidien". Je n'ai donc malheureusement pas beaucoup d'infos concernant la pertinence du curateur. Mais le com de presse laisse entendre les rumeurs que j'ai glannée concernant le manque de qualité de cette édition.

Le projet artistique de la Biennale de Lyon 2009

« Le spectacle du quotidien » par Hou Hanru
Nous vivons dans la société du spectacle.
Malgré ses effets aliénants sur notre vie et nos liens sociaux, elle est l’une des
conditions fondamentales de notre existence. A l’époque de la globalisation
ou de l’ « empire global » (Antonio Negri et Michael Hardt), il n’existe plus de
« dehors » pour cette société du spectacle.
Comment dès lors créer les conditions du nécessaire développement d’idées
critiques, créatives, nouvelles, subversives ?
C’est en s’engageant sur la question du quotidien que l’art contemporain peut
retrouver son rôle social de force critique - et permettre à l’imagination de faire
des propositions pour un monde meilleur.
Le quotidien est depuis plusieurs décennies déjà désigné comme le champ le
plus favorable à une possible reconquête de notre liberté face à l’ordre établi.
A l’heure de la globalisation et de la crise, cette pensée retrouve toute son
actualité.
De plus en plus nous embrassons un monde reconstruit sur la complexité. La
réinvention de nos pratiques quotidiennes est un aspect crucial de la fondation
de cet ordre nouveau.
C’est également le contexte le plus stimulant dans lequel l’art contemporain peut
évoluer et obtenir une nouvelle pertinence. Car à l’heure de la globalisation, il
ne suffit plus que l’art contemporain soit devenu un phénomène spectaculaire
accepté par tout le monde sur notre planète.
Il est important de montrer que des artistes et des communautés d’artistes
en nombre toujours plus grand, venant des différentes régions du monde,
interviennent sur le champ du quotidien pour en faire surgir de nouvelles
formes et de nouvelles significations, des usages nouveaux. Leur ambition :
réinventer l’ordinaire pour en faire quelque chose de spectaculaire, d’unique,
afin de produire de nouvelles expressions de la complexité, de la diversité, de
l’interactivité. Leur intelligence : utiliser les outils les plus efficaces (incluant les
biennales) pour promouvoir leurs pratiques.
C’est cette tendance que la Xe Biennale de Lyon va explorer et présenter.
Le spectacle du quotidien change à la fois le spectacle et le quotidien !
Hou Hanru –

Ce qui me dérange beaucoup finalement, c'est cette croyance que le quotidien est extérieur à nous-même, qu'il faut le transformer, en faire quelque chose d'unique. C'est justement la volonté de rendre le quotidien spectaculaire qui correspond à la société du spectacle et aux nivèlements des valeurs. Comme le dit Bruce Bégout, le quotidien est le premier lieu d'un affirmation d'une liberté. Hou Hanru fantasme un désir d'émancipation au prix du sacrifice d'un des gestes fondateurs de l'humain, la découverte du quotidien.

29/04/2010

la mise en scène du quotidien

Je me disais finalement que la mise en scène était partout. Avant cela, je me demandais si j'effectuais de la mise en scène avec mes pièces. Mais, l'espace d'exposition présuppose déjà cette mise en scène. On pensait d'abord que c'est le socle ou le cadre qui annonçait un autre espace, mais finalement, le socle est tombé, et c'est bien la galerie, le musée qui soutient l'espace vierge sur lequel l'oeuvre d'art peut opérer. Alors je me demandais quand es-ce qu'il n'y avait plus de mise en scène? On le sait nos villes sont des organisations de l' espace, un agencement de signes et repères qui constituent déjà en soit une mise en scène. Le problème n'est plus de distinguer le faux (=Las Vegas) du vrai (=Rome) mais de voir comment on produit de l'extraordinaire en éclairant, en décorant, en transformant l'espace public. De ses multiples arrangements, je me demande si l'on pourrait trouver comment cela était à l'origine, un espace sans mise en scène. Cet espace existe, mais il est définit dans le temps: c'est le quotidien. Le quotidien c'est notre regard qui se pose sur les mêmes choses, qui n'a plus besoin de les regarder car elles ont été identifiées. C'est ce qui semblera extraordinaire pour certains et extrêmement banal pour d'autres. Pas étonnant donc qu'après le spectacle du quotidien de la télé réalité, on assiste à la mise en scène du quotidien avec ces émissions qui transforment les maisons en catalogue IKEA.
La mise en scène du quotidien, c'est un terme que je prend à une pub pour une cuisine, VENUS. Et bien surs VENUS dit " Aujourd'hui, la valeur distinctive d'un objet est de plus en plus liée à sa capacité de procurer des émotions". Bref, plus besoin d'aimer, d'être producteur d'émotions, Venus le fait pour nous...
Pour revenir à ce qui m'intéresse donc, à savoir, si oui ou non, je fais de la mise en scène ou pas, je dirais que j'utilise des objets issue de la mise en scène= décors, guirlande, chapiteau mais que je les présente comme des objets extrait de leurs contextes, ils ne fonctionnent plus, si ce n'est sur l'émotion esthétique. Mais es-ce réellement important pour moi de distinguer "décoration" et "oeuvre d'art"? Cette question me ramène 4 ans en arrière, je n'y ai toujours pas répondue.

29/03/2010

PIECES PRIVÉES

C'est le terme qui m'est venu à l'esprit: voir dans ce qui rassemble les gens autour de certaines pratiques paranormales comme une sorte de production narrative autonome. C'est parce que je suis seul, confronté à moi même que je peux éprouver les limites de mes propres croyances. Tant que rien de viendra perturber mon tissage personnel, je peux rester confortablement acteur/spectateur de ma propre déréalisation.
Cela peut aussi fonctionner en groupe, l'image est sauve si tout les participants s'accordent à y croire, comme au cinéma. Le nombre peu même alors garantir une pleine existence de l'image et la renforcer dans sa presque fixation au réel.
Je note des témoignages très intéressant où lors d'une expérience de spiritisme de groupe, certains "nouveaux" était invitée à participer malgré leurs scepticismes. Alors l'esprit qui s'est manifesté lors de cette séance a montré une grande hostilité envers ces personnes, comme si ils représentaient une menace. C'est l'image qui parle donc.
Finalement, le rapport au vrai et au faux n'est pas plus problématique ici qu'à travers des idéologies politiques extrêmes. Le fait est que dans la recherche d'une reconnaissance et de légitimité, la plus part de ses pratiques occultes se sont ostracisées. Je pense que cela n'a plus aucune différence, c'est une façon d'inscrire la vérité, un repère, sur le réel: un raciste, un idéaliste et un religieux sont autant de personnes qui vivent selon des repères qu'ils se sont eux-même fixé. Évidement, il s'agit de construction sociale et morale différentes dont les racines remontent très loin. Mais au final, il s'agit bien de définir des valeurs, selon un cadre qui est la démocratie. (enfin on aimerait croire)
Le spiritisme et le surnaturel (=tout ce qui a un rapport au divin) sont une branche du Xisme ou du moins, ils partagent les mêmes valeurs= amour, pureté, repentance...et son opposé bien sur.
De l'autre coté on a le psi (=phénomène encore non expliqué par la science: télékinésie, clair voyance, télépathie...) qui posent une approche scientifique où la question de la vérité est au coeur des valeurs (d'où l'apparition des charlatans) comme= le progrès, le surhomme, l'évolution.

03/02/2010

Faire les valises et regarder en arrière

Et en arrière je retrouve ce texte, proposition pour une résidence à la Schloss Solitude.




Je place l’expérience et la recherche au centre de mon activité artistique. Je conçoit ce projet dans une dynamique de recherche où il s’agit de voir comment les pratiques pensent. Le doute et l’erreur sont nécessaire à la recherche car celle-ci ne doit pas être jugé en terme d’échec ou de réussite , son résultat est essentiellement quelque chose d’inconnu. Cette démarche fait écho aux recherches scientifiques sur les phénomènes paranormaux et leurs mythologies (NASA...) mais je m’affranchis d’une quête de la vérité.
Je veux contaminer mon travail par les effets pervers de l’irrationnel, du mystique et de occulte. Il s’agit avant tout, de refuser la prise de distance du scientifique par rapport à son sujet de recherche. Je dois faire parti du jeu et éprouver mes propres limites.

Le paranormal est un langage qui joue avec le visible et le régime de la vérité. Je veux le jouer dans le contexte même de la résidence. La communauté des résidents et le dynamisme qu’elle offre sont une occasion d’engager un public, de se confronter à lui. Je veux utiliser la résidence comme champ d’expérimentation, de support ou bien de rejet à un événement, à un jeu, à un objet mystérieux.

La forme finale n’est pas connu et ne le sera peut-être jamais. Je pense donc à une forme première, un point de départ, une vague idée de courtes animations représentant des phénomènes paranormaux comme la téléportation, la télékinésie, la lévitation, ou encore la transcommunication instrumentale. Le surnaturel s’inscrit dans le dessin animé comme un témoignage qui ne se souci pas de soutenir une notion de vérité, de réel.

Je veux dépasser la dialectique du vrai et du faux. Ces témoignages dans leurs limites peuvent fonder un rapport au réel à partir de ce qui nous affecte, comme si l’irruption du paranormal, dans nos quotidiens dénués de mystère, venait nous révéler sans tromper notre vigilance une trace sensible, une présence.

“Au sein de la quotidienneté colonisée par la consommation de masse , la vie offre une résistance à l’épuration fonctionnaliste, en laissant transparaître des comportements qui témoignent d’une religiosité bâtarde, sauvage, non-officielle, comme si, à l’époque moderne du désenchantement du monde, les rites fondamentaux de la religion (baptême, funérailles, justice finale, alliance, communication avec l’au-delà, etc.) avaient discrètement migré, sous une forme composite, vers la vie quotidienne et continuaient d’exister là, méconnaissable et clandestins, dans un environnement dépourvu de toute mysticité.”1


(Asperger trois fois d’eau (bénite) l’endroit où vous vous trouvez.)

28/11/2009

Bruce Bégout : La Découverte du quotidien

Bruce Bégout : Le quotidien est-il une prison ?


Loin du "carpe diem" des hédonistes de salon tout autant que d’Alexandre Jardin, Bruce Bégout - "La Découverte du quotidien" (Allia) - aborde en philosophe la question du quotidien. Rencontre avec le renouveau de la phénoménologie.




Chronic’art : "L’énigme du quotidien, c’est justement qu’il ne paraît pas énigmatique". Cette absence d’incertitude est-elle une forme de liberté ?

Bruce Bégout : A première vue, la vie quotidienne constitue le domaine d’une impérieuse nécessité : nécessité vitale, familiale, sociale, professionnelle, bref, tout un réseau serré d’obligations et de contraintes qui laisse peu de place à l’initiative personnelle. Puis-je en effet vivre de manière non quotidienne, extra-quotidienne ? Qu’est-ce que cela peut bien signifier ? Suis-je libre par rapport à ma vie quotidienne ? Libre d’inventer une autre vie qui ne retomberait pas dans la monotonie et la monochromie du quotidien ? Il s’agit là de questions fondamentales qui ont agité des esprits aussi divers au XXe siècle que Heidegger et Breton, Debord et Lefebvre. Le quotidien, c’est la cloche du dîner, c’est le rappel à l’ordre d’une certaine obligation à satisfaire pour préserver l’existence telle qu’elle est. L’effectivité quotidienne met fin au "papillonnage des possibles", elle transforme tout possible pur en réalité dure. Il y a là quelque chose d’assez inéluctable et qui m’a toujours fasciné, ce fatum de la vie quotidienne qui fait que toute vie, même la plus précaire, la plus aventureuse, la plus intense, est toujours aussi une vie quotidienne. En un sens, on n’échappe pas à cette quotidienneté de la vie qui marque les limites de toute liberté humaine. Le quotidien n’est rien d’autre que cette base vitale sur laquelle doit s’appuyer toute liberté mais à laquelle elle ne peut se soustraire. Cette nécessité n’est ni naturelle (le besoin) ni culturelle (la forme sociale) : elle est anthropologique. C’est l’obligation de sortir de l’état ténébreux des origines pour former un monde sûr et familier où l’aventure humaine puisse se dérouler. Le quotidien, en somme, c’est "la volonté de forme", le désir de se donner une certaine figure spatiale, temporelle, causale, qui confère ordre, mesure et assurance à notre situation absolument déterminée.

Cette liberté serait-elle plus évidente si l’on creusait au-delà de cette apparente évidence du quotidien ? S’il est "plus facile de décrier le quotidien que de le décrire", comment son aspect répétitif doit-il être entendu ?

L’évidence plate du quotidien nous persuade de notre absence de liberté : c’est le lieu du "c’est comme ça", ou plus exactement du "cela a toujours été comme ça" et donc "cela sera toujours comme ça". Voir le quotidien en face, c’est voir ce mur invisible d’évidences pesantes, immuables. Cette vision fugitive peut parfois conduire certains d’entre nous à une forme de désespoir : la quotidienneté apparaît alors comme la damnation à la médiocrité, à la bassesse. Toutefois, si on creuse sous la surface du monde quotidien, on aperçoit une autre réalité.

Le quotidien n’est pas que cette vie monotone qui nous lie chaque jour davantage ; si on porte son attention non pas vers ces évidences communes, mais vers leur production cachée, alors on assiste à une sorte de révélation : la vie quotidienne représente le résultat ultime d’un long et lent processus de domestication du monde, de son étrangeté et de son incertitude. A ce niveau-là, la nécessité de ce quotidien fait place à une dialectique secrète entre la volonté de forme et la nature informe de l’expérience. Ce que j’ai voulu montrer dans ce livre, c’est cette fabrique secrète du quotidien, cette production sous-jacente qui tente d’imposer la forme d’un monde sûr et certain. Le quotidien est la grammaire de la vie humaine, c’est-à-dire à la fois la forme commune et ordinaire dans laquelle elle s’exprime le plus souvent et la règle immanente à suivre pour parler adéquatement sa langue et se faire comprendre de tous. S’il existe une certaine forme de liberté dans le quotidien, elle se situe là, dans l’infradialiectique du familier et de l’étranger, dans ce jeu (au sens mécanique du terme) entre la vie et la forme. Elle signifie le "bougé" de la vie elle-même qui, en se donnant une forme régulière et quasi immuable (le quotidien), échappe pourtant à toute formation définitive.

Hegel affirme que les Grands Hommes sont les instruments de la Raison en ce qu’ils forgent l’Histoire. Quelle histoire reste-t-il pour une société dans laquelle les Sancho Pança ont pris la mesure des Don Quichotte ?

L’ère des héros est depuis longtemps révolue. Elle reste le fantasme vieillot de la pensée conservatrice qui rêve d’un nouvel esprit chevaleresque. Le héros moderne, si ce terme convient encore, est un homme ordinaire, simple, sans ambition, tel le George Bowling d’Un Peu d’air frais d’Orwell. Il a pour lui la juste évaluation du réel ; il voit clair dans le brouillard épais de l’idéologie. Sans idéal démesuré (mais sans résignation au statu quo non plus), il se méfie du discours qui souhaite révolutionner la vie quotidienne et imposer à tous le mode de vie échevelé de la Bohème professionnelle. Le "petit homme bedonnant" dont parle Orwell, et dont le prototype littéraire est Sancho Pança, est amené à dominer la société et la culture. Qu’il mange "bio" ou fasse deux heures de footing par semaine, il restera le "petit homme bedonnant", l’homme médiocre qui constitue la majorité absolue. La grande difficulté politique consiste à reconnaître les désirs de cette majorité d’hommes médiocres (auxquels je m’identifie totalement) tout en les conciliant avec une volonté critique de réforme de la vie, mais d’une réforme sur la base indiscutable et immuable de la forme du quotidien. Il ne s’agit pas de rendre la vie non quotidienne, il s’agit de faire en sorte que sa quotidienneté n’étouffe pas sa vitalité. Seule une conception dialectique du quotidien peut réaliser et mettre en valeur cet équilibre subtil mais qui après tout, si subtil soit-il, se produit à chaque instant et tous les jours pour la plupart d’entre nous.

Cette sacralisation du quotidien -dont la vocation semble être de rassurer- lorsqu’elle s’exerce par le biais de structures médiatiques ne révèle-t-elle pas la nécessité d’une certaine reconnaissance publique ?

Notre époque met en scène la vie quotidienne comme aucune autre. Elle fait non seulement du quotidien un spectacle (la téléréalité et l’autofiction affectionnent la représentation triviale des petites choses de la vie), mais aussi une espèce de salut. Le quotidien est son unique planche de salut, elle s’y accroche avec la force née du désespoir de voir s’effondrer les idéaux supérieurs.Cette reconnaissance publique de la vie quotidienne, qui confine bien souvent à une forme de sacralisation, relève à mon sens du narcissisme ; on jouit de se voir dans les situations les plus banales, même les plus humiliantes (l’un des ressorts de la téléréalité consiste dans ce que l’on pourrait appeler "l’humiliation des humbles qui n’ont pas su le rester", d’où le plaisir de revenir voir un héros ordinaire six mois après sa gloire éphémère lorsqu’il a rejoint la troupe anonyme des gens simples d’où il s’était extrait pour participer à son adoubement médiatique), de se mirer dans les circonstances les plus communes et les plus anodines. Mais cette mise en avant du quotidien manque et masque son essence. Elle sacralise une vie quotidienne réduite à la simple familiarité rassurante et ordinaire. Or le quotidien excède sa cristallisation en pratiques et gestes banals. Sous la surface trop lisse (et donc trop unie et monotone) du quotidien se joue un conflit caché qui est le processus fondamental de la quotidianisation lui-même. Seulement l’époque ne prête aucune attention, fascinée qu’elle est par la seule banalité de la vie de tous les jours. La conception radicalement neuve de la vie quotidienne qui est exposée dans le livre consiste en ceci qu’elle n’a absolument rien à voir avec l’idée d’un univers familier, banal et répétitif. En un sens, la vie quotidienne est tout autant production de l’expérience familière que répudiation de celle-ci. C’est cela qui est difficile à comprendre mais qui constitue pourtant l’essentiel de ce que j’ai voulu montrer.

Comment définiriez-vous la baleine à l’intérieur de laquelle "ces Jonas inconscients du danger cherchent la sécurité paradoxale du sommeil" ?

Le ventre de la baleine, c’est justement la vie quotidienne limitée à son pouvoir de sécurisation et à son ambiance familière. C’est le nid douillet au cœur du monstre de la banalité, le repli frileux sur le commun épuré de toute sa tension constitutive avec l’étrange et l’étranger. C’est par exemple la maison d’architecte, le 4X4, la cabane dans les arbres, tous les lieux qui exhibent leur autonomie, leur auto-topie comme valeur absolue, qui s’affranchissent du monde et lui imposent en retour leur domaine fermé, sécurisé, climatisé. J’estime que la plupart de nos contemporains n’aspirent qu’à cette forme paradoxale de tranquillité en se laissant dévorer par la gueule sombre du banal, du confortable, du rassurant. Or, encore une fois, si on pratique une vision stéréoscopique des choses, le monde quotidien n’est en aucune façon réductible à cette sphère tranquille et sécuritaire. Par "vision stéréoscopique", j’entends ici une perception des choses qui pénètre au-delà de leur surface et de leur apparence communes pour saisir la part d’étrangeté et d’inquiétude qu’elles comportent en leur essence dissimulée. Cette stéréoscopie du quotidien est seule apte à percevoir dans le monde banal et profane une réserve féconde d’indeterminé. Mon travail dans la Découverte du quotidien est dans son ensemble l’application de cette méthode stéréoscopique. Chaque fait quotidien, pris dans sa dimension la plus terre-à-terre, peut ainsi être appréhendé comme le signe d’une réalité plus essentielle car plus accidentelle, précaire, fragile. Mais ce sous-monde inquiétant appartient encore au quotidien, il en est la matrice secrète. Pour accéder à cette vision stéréoscopique, il faut s’arracher à l’univers tiède et médiocre de l’âge libéral, au bien être plaisant et fade du postmodern way of life. Car, si suffisant soit-il dans sa persuasion d’être le comble du bonheur, il laisse à désirer.

Peut-on considérer que l’homme qui se réserve un espace "de non employé et de non employable", pour échapper à une "normalisation sociale" totale, se frappe pour ainsi dire d’incomplétude ?

Pour faire simple, je dirai que la vie quotidienne, appréhendée selon son processus constitutif, à savoir la quotidianisation, est une normalisation inachevée. Elle est normalisation car son opération fondamentale consiste à domestiquer l’expérience brute du monde et à la réguler, à lui donner un ordre régulier et familier. De ce point de vue, la vie quotidienne n’est pas, comme toute la pensée française le clame depuis les surréalistes (Lefebvre, de Certeau, Foucault), hétérogénéité pure, spontanéité vitale et singulière. Les normes qui dictent un certain ordre quotidien ne lui sont pas forcément extrinsèques. Il existe une autonormalisation du quotidien qui n’est rien d’autre que sa manière d’apprivoiser le cours irrégulier de l’existence. Toutefois cette normalisation est rarement complète, et ce pour le bien même de la vie quotidienne. Car celle-ci est sans cesse sollicitée par l’étrangeté du monde qu’elle ne peut entièrement familiariser. C’est la raison pour laquelle la vie quotidienne, telle que je la comprends et tente d’en découvrir la raison ultime, oscille entre la tendance ferme à la familiarisation et l’exposition permanente à l’étrangeté, à l’étrangèreté même. La normalisation vivante ne risque pas de se crisper en une orthodoxie familière, celle des convenances de tous les jours et du conformisme de la vie courante. La vie est justement courante car elle sait laisser être la dynamique même de la confrontation polémique du familier et de l’étranger.

Pour appréhender le quotidien dans ses perspectives spatiales et temporelles propres, vous réactualisez la notion aristotélicienne de "prudence", qui est une connaissance des moyens de réalisation de l’universel portant sur le particulier. Quelles en seraient les préceptes et les conditions d’application dans le cadre d’un quotidien découvert ?

La prudence, c’est cette intelligence ordinaire qui sait appliquer une règle à des cas particuliers en sachant concilier l’universel et le singulier. Dans notre vie quotidienne, elle est continuellement requise afin de donner une certaine constance à l’expérience sans la figer dans une norme d’airain. A la différence de la prudence dont parle Aristote, la prudence quotidienne échappe à la délibération et à la sagacité consciente des individus, c’est une prudence de la vie quotidienne elle-même, de son processus de familiarisation qui sait équilibrer la présence normative du familier avec les assauts constants de l’incertain et de l’inconnu. La prudence dit de ne jamais tomber dans l’excès de la familiarisation sous peine de faire de la vie quotidienne la répétition plate d’une norme achevée, ni dans celui de l’exposition à l’étrangeté du monde qui rendrait l’expérience humaine inquiétante et indéterminée. Il va sans dire que, de mon point de vue, la prudence est la traduction en terme de stratégie vitale de l’infradialiectique de la vie quotidienne. L’homme ordinaire n’est ni un serf soumis à l’ordre des choses communes, ni un créateur subversif, mais un homme prudent qui concilie sécurité et aventure, repos et mouvement. Rien n’est plus difficile que d’atteindre cet état d’équilibre. Et pourtant, chaque jour, des milliards d’hommes et de femmes y parviennent sans le savoir. C’est là le prodige universel -mais ignoré- de la quotidianisation.

Propos recueillis par Eric Fouquet

Bruce Bégout : La Découverte du quotidien (Allia)






Il faudrait que je recopie le texte en entier, mais là je ne vais sélectionner qu'une partie de l'entretien entre les commissaires Philippe Vergne et Bernard Blistène, et Alison M.Gingeras, conservateur du MAM. In "Au delà du spectacle", expo Franco-américaine, qui a eu lieu à Beaubourg en 2000-01 si je me souvient bien. C'est pas jeune certes, mais restent encore des remarques qui font contre-échos à une position dite avant-gardistes dont je possède quelques symptômes...

... Il est évident que l'art américain n'en finit pas de produire des analyses critiques de son propre fonctionnement. Comme s'il était à la recherche d'une réconciliation face à la culpabilité du système (capitaliste) qu'il instaure.

C'est clairement réduire le discours, mais cette question de culpabilité refait surface alors que je dois écrire un texte présentant ma propre démarche.

comme la question que se pose Bernard Blistène: "Suis-je tributaire d'un jugement qui n'accorde de valeur à l'expérience artistique qu'à partir du moment où celle-ci se situe sur un mode résolument critique?
et j'ajouterais alors, à ne pas vouloir être dupe, que reste-t-il à voir?

C'est un sentiment difficile à transcrire, mais j'ai l'impression de ne pas pouvoir me situer, je ne suis ni dans une déconstruction du vrai et du faux, la question n'est plus pour moi de distinguer l'illusion, de dire que la profondeur est un mythe, mais d'un autre côté, je ne peux me résoudre à quitter le monde du décors sans le mettre à plat, le révéler.

Je copie encore, un texte du New Museum de NY sur Ugo Rondinone, artiste à l'univers parralèle au mien: Rondinone’s work explores notions of emotional and psychic profundity found in the most banal elements of everyday life. Comme c'est bien dit!

Passé à la moulinette, puis allégé en calorie, cela devrait nous donner quelque chose d'ici peu.