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Thibault de Ruyter commence son travail de déconstruction en affirmant qu'il existait une vie culturelle avant la chute du mur. « Les punks existaient à l'Est, même s'ils avaient trois ans de retard par rapport à ce qui se faisait en RFA ou à Londres ! » dit-il, en citant toujours avec plaisir le groupe « Einstürzende Neubauten ».
Et puis, à partir de 1989, des centaines de milliers de mètres carrés à bas prix entraînaient une euphorie sans précédent. Cet immense espace à reconquérir attira d'abord quelques artistes et galeristes prêts à tenter le pari. Mais aujourd'hui, les galeries ouvrent et ferment aussitôt. « On vit à Berlin, mais on ne vit pas de son art, on travaille ailleurs, affirme le critique d'art en concluant, la ville ne peut pas soutenir tout le monde, si les subventions ne tombent pas, on ferme...» C'est moins l'argent qui compte que le réseau que l'on se constitue, d'où l'importance à Berlin de la scène des « artist-run space », des galeries autonomes. C'est à travers un réseau de 80 lieux autogérés, garages abandonnés, laveries automatiques, bureaux en vacance, que l'art se diffuse à toute vitesse.
« Berlin est une vitrine du trash européen »
« Au crépuscule des conventions, la brutalité est l'expression d'une certaine vérité », disait Jean-Claude Kauffman. Thibault de Ruyter, critique d'art à Berlin, est un personnage qui exprime bien l'absurdité de cet univers postmoderne.
Il nous explique comment, aujourd'hui, Berlin s'expose au monde entier sur « une surface de projection ». Par le canal d'évènements gratuits qui produisent une image d'un Berlin trash, le but est d'impressionner les acheteurs étrangers et de les pousser à « s'encanailler ». « Le charme imprécis d'une ville blessée », comme disait Boltanski, s'exporte bien.
« Les jeunes artistes sont victimes de l'effet Berlinpinpin »
Mais si Berlin produit un portrait séduisant d'elle-même, dans le miroir d'une ville pauvre et créative, les jeunes artistes y voient aussi une image déformée de la réalité. Pour eux, Berlin est un lieu où tout est possible, là où la précarité n'est plus une entrave à l'expression artistique. Malheureusement, la ville ne peut pas les soutenir, les condamnant du coup à la déréliction.
Alors qu'en France, un jeune doit inévitablement passer par la scène locale avant d'atteindre la scène nationale, à Berlin tout parait plus facile. Thibault de Ruyter ironise : « il suffirait de quitter sa province, d'aller à Berlin, de se couvrir d'un peu de poudre magique, et par un tour de prestidigitation, d'exposer sur la scène internationale ! »